Fr. Varillon : la Création - La puissance divine est une puissance qui éveille

Dieu ne peut nous aimer que s’il voit dans nos yeux la lumière de la liberté

La puissance divine n’est pas une puissance qui domine, elle est une puissance qui éveille. Dieu ne crée pas des objets, je vous le rappelle. Si Dieu nous dominait, nous serions des objets pour lui. Un être dominé ne peut être qu’un objet et un objet, on le fabrique. Un amour qui nous dominerait, c’est une contradiction dans les termes.

Pardonnez-moi d’insister mais l’expérience me montre qu’il y a peut-être bien 80 % de gens qui se disent chrétiens et qui se représentent Dieu comme celui qui nous domine. On ne peut pas dominer des libertés, cela ne veut rien dire ; on ne peut dominer que des objets, des choses. Dieu est suscitateur de sujets libres. Il ne peut nous aimer que s’il voit dans nos yeux la lumière de la liberté.

L’amour est suscitation, contagion d’existence

Dieu crée par l’influx de sa contagion éveillante. Et puisqu’il faut toujours partir de notre expérience lorsque nous réfléchissons — autrement on se meut dans l’abstrait —, j’aurai recours à notre expérience et je vous demanderai : n’avez-vous jamais accueilli la contagion de quelqu’un ? Je puis vous fournir mon propre témoignage.

Dans ma vie, j’ai eu la grande chance, qui malheureusement n’est pas donnée à tout le monde, d’avoir un maître, un véritable maître près de qui j’ai vécu pendant plus de vingt ans, un homme qui était pour moi à la fois le père, le maître et l’ami, les trois ne faisant qu’un. J’accueillais la contagion de cet homme-là, je pourrais presque dire qu’il m’a créé. Il ne m’a jamais donné un ordre. Je pense même qu’il ne m’a jamais donné un conseil positif, formel, peut-être une fois ou l’autre en passant, mais si peu !

Que faisait-il cet homme près de moi ? Il existait, c’est tout. Seulement son existence était contagieuse, en ce sens que mon désir continuel était de lui ressembler, d’exister comme lui, avec la même noblesse d’âme, la même grandeur, la même culture. L’existence de cet homme était contagieuse en ce sens qu’il ne m’était pas possible de rester systématiquement médiocre à son côté.

Si j’avais voulu être médiocre et me pervertir, il aurait fallu que j’échappe à sa contagion éveillante et suscitatrice. Même si vous n’avez pas eu de maître comme celui-là dans votre existence, vous avez certainement expérimenté qu’il y a des moments dans la vie où l’on se dit : si je reste en relation habituelle avec cet homme ou avec cette femme, je ne peux pas être médiocre. Être médiocre, c’est être un semi-néant ; la médiocrité est un semi-néant.

L’acte créateur de Dieu est cette existence pure et simple. Au fond, Dieu ne fait rien et je pense qu’il faut s’abstenir de dire : Dieu fait ceci ou cela, car tout le monde comprendra : fabriquer ; or, créer n’est pas faire quelque chose. Dieu est absolument simple. Cette simplicité est quelque chose de terrible, demandez-le aux mystiques qui en ont fait quelque expérience ! Il n’y a pas en Dieu une existence et une action, comme si cela faisait deux choses. Son acte est identique à son être. Il est. C’est tout. Dieu crée en existant, rien d’autre. Mais cette existence est contagieuse, car c’est de l’amour et l’amour est une suscitation d’existence.

François Varillon, extraits de ses conférences
cf « Joie de croire, joie de vivre », p.155

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