La résurrection des années d’après-guerre. L’action du CELIB

Le CELIB, une structure représentative des cinq départements - On a pu parler de « modèle breton » et même de « miracle breton ».

L’initiative de la résurrection de la Bretagne revient à des Bretons. Dès 1947, un journaliste né à Lamballe, Joseph Martray, publie un ouvrage remarqué dans lequel il préconise les mesures à prendre pour le renouveau économique de sa province : Le Problème breton et la réforme de la France. Sur sa proposition, 150 personnes se réunissent à Quimper en juillet 1950, sous la houlette du maire de la ville, Joseph Halléguen. Il y a là des élus de toutes tendances, sauf des communistes, des représentants d’organismes professionnels, des responsables culturels.

Le CELIB, une structure représentative des cinq départements

On tombe vite d’accord pour créer un Comité d’étude et de liaison des intérêts bretons ou CELIB, dont les statuts sont officiellement déposés en 1951 sous la forme d’une association à but non lucratif de type loi de 1901. La nouvelle structure se veut représentative des cinq départements ; cependant, la Loire - Inférieure refusera de continuer à y siéger en 1954, en raison notamment de l’opposition des deux « capitales » Nantes et Rennes. Qu’importe ! Un homme compétent et influent, René Pleven, préside le comité, avec le concours de politiques d’autres tendances, tel le député socialiste du Finistère, François Tanguy-Prigent.

Une commission parlementaire qui se réunit chaque semaine

Les responsables du CELIB savent s’organiser tant au niveau régional qu’à l’échelon national pour parvenir à leurs fins. Avant les élections législatives de mai 1951, ils demandent à tous les candidats locaux de s’engager sur un programme de promotion de l’économie péninsulaire. Tous acceptent, sauf ceux du parti communiste, par définition internationaliste et anticapitaliste. Une fois élus, ceux qui se sont engagés lors de leur campagne électorale respectent leur parole : les députés forment une commission parlementaire qui se réunit chaque semaine pour faire entendre la voix de la province.
Cette commission, qui a Tanguy-Prigent à sa tête, forme un groupe de pression redoutable : les fragiles gouvernements de la IVe République doivent composer avec elle, obligés qu’ils sont de grappiller des voix à l’Assemblée pour tenter de se maintenir. L’action de ce véritable lobby est si prégnante qu’il réussit très tôt, dès 1956, à obtenir de Paris un premier plan de développement régional.

Le CELIB garde le contact avec la base

Le CELIB n’en garde pas moins le contact avec la base, qu’il encourage parfois à la révolte quand il ne réussit pas à lui seul à faire triompher ses idées dans l’intérêt commun. Ainsi, c’est avec son soutien que les paysans bloquent les voies ferrées en 1962 pour lutter contre des tarifs de la SNCF néfastes à la Bretagne. Grâce à lui, les ruraux, au terme de l’épreuve de force, gagnent leur première « bataille du rail ».

Cependant, les leaders du Comité ne jouissent pas toujours sous la république gaulliste de la même autorité : les majorités sont devenues stables au Palais-Bourbon et les ministères solidement installés. De plus, un certain nombre de responsables nationaux sont hostiles à des mesures particulières qui favoriseraient tel ou tel pays. C’est pourquoi, malgré la détermination du groupe, on ne leur accorde pas en 1964 une loi-programme qui aurait permis de garantir les investissements de l’État en Bretagne pendant plusieurs années.

On a pu parler de « modèle breton » et même de « miracle breton ».

Mais, globalement, le CELIB est pour beaucoup dans la régénération économique de la région au cours des années 1950-1975. On en constate encore aujourd’hui les effets, malgré de récentes difficultés conjoncturelles. Ils sont si spectaculaires, tranchent si étonnamment par leur modernité avec l’archaïsme aggravé du premier XXe siècle, que l’on a pu parler de « modèle breton » et même de « miracle breton ».

Quelles sont les modifications importantes qui ont engendré la mutation économique radicale de l’ancienne province ? Son désenclavement par le développement de ses réseaux ferroviaire et routier ; l’électrification généralisée de ses campagnes et de ses villes ; l’accroissement de la production d’énergie pour qu’agriculteurs et industriels disposent des moyens nécessaires à l’épanouissement de leurs entreprises, et bien d’autres mesures encore.

Une véritable « révolution agricole »

De la sorte a pu s’opérer une véritable « révolution agricole » qui a fait de la Bretagne la première région de France pour les productions du secteur primaire, et qui a favorisé la naissance d’une puissante industrie agroalimentaire, à l’origine de fructueux échanges nationaux et internationaux.
Les autres domaines du secteur secondaire, ainsi que le tertiaire, ont aussi profité du renouveau, à un moindre degré toutefois.

Jugeant globalement l’effort accompli, le général de Gaulle déclarait dans un discours prononcé à Rennes quelques semaines avant le référendum sur la régionalisation, en janvier 1969 :
« Ce qui a été fait en Bretagne avec le CELIB a été essentiel. C’est ce qu’il faut faire pour tout le reste de la France. »

Extrait de Philippe Tourault : « La résistance bretonne du XV° siècle à nos jours » p. 284

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