C’est toujours avec crainte et tremblement que je m’apprête à confesser. Pardonner au nom de Dieu est un cadeau fantastique qui m’impressionne beaucoup. Ce ministère est en outre un véritable pouvoir : je peux faire du bien ou du mal, par mes paroles et réactions face aux pénitents. Certains ont été traumatisés par des confesseurs jupitériens ou se sont sentis violés dans leur conscience par des questions indiscrètes.
[…] Certains viennent me voir, fébriles, après avoir déserté ce sacrement […], je me réjouis de ces retrouvailles avec Dieu, qui, débordant d’amour, les guette. Mon désir est de les aider à renouer avec Lui et faire mienne cette parole de Mère Teresa : « Qu’ils repartent plus heureux qu’ils ne l’étaient en arrivant. »
[…] Certains pénitents en ressortent les yeux pleins de larmes, me tendent les mains pour les serrer chaleureusement… Au cours de ces années, j’ai assisté à de véritables conversions et libérations intérieures.
[…] Les apôtres se sont vu confier par le Christ un ministère du pardon, lequel pourrait aussi s’appeler « rénovation baptismale ». Ce sacrement, qui est celui de la miséricorde et de la joie et non de la mortification ou de la culpabilisation, nous fait revivre l’alliance que Dieu propose à chacun. Alliance qui s’est étiolée avec le temps, effritée à cause des manquements de l’homme à Ses appels.
→ Voir aussi de Michel Quesnel : Que devient la bonne nouvelle de la vie après la mort
[…] Être confronté à la souffrance et à l’intimité de quelqu’un qui vous le dit en confiance est bouleversant. Aussi, face aux autoaccusations des pénitents, je me fais souvent la réflexion que je pourrais être capable des mêmes fautes. Ils m’avouent en fait mes péchés.
[…] Ce ministère est une invitation à ma propre conversion. Le témoignage et l’exemplarité de certains m’interrogent sur ce que je suis et ce que je fais. Parfois, je n’ai pas besoin d’aller chercher dans la vie de canonisés une inspiration vertueuse : il m’arrive d’être face à des saints vivants. Des maîtres.
[…] Si la confession est un chemin de progrès, ce dernier ne m’apparaît pas linéaire. On retombe toujours dans les mêmes choses. À l’image de la montée d’un escalier en colimaçon, on se retrouve à chaque tour du même côté du mur, dont les motifs seraient les défauts de nos qualités. Mais on a monté quelques marches ! L’évangile évangélise nos caractères, mais ne nous transforme pas foncièrement. […]
Le Christ nous appelle à nous convertir dans le sens d’exploiter la qualité qui est le revers du défaut. À ne pas désirer être autre que ce que nous sommes, mais à toujours vouloir tirer un meilleur parti de ce que l’on est. À moi de transformer autant que je le peux ma colère, mon impulsivité, en passion pour le bien ou la justice.
Contrairement à l’Église d’Orient, nous avons été conditionnés par une vision augustinienne donnant au péché un caractère dramatique. Je ne me reconnais pas en elle. Je pense que l’homme est fondamentalement bon… mais fragile. Alors que la culpabilisation enferme - culpabilité tournée vers elle-même -, reconnaître sa culpabilité lors de la confession est une démarche de lucidité non sans issue. […]
Se confesser ne consiste pas à parler à quelqu’un qui aura la gentillesse de m’écouter, mais à un Autre libérateur qui, face à des situations complexes de malheur et de manquements de ma part, me souffle que tout cela trempe dans l’amour et la miséricorde.