Qu’est-ce que le corps, qu’est-ce que la mort ?

Pourriez-vous dire ce que c’est qu’un corps ?

L’esprit nous savons ce que c’est, parce que nous le sommes, le corps nous échappe de toutes parts. Nous le définissons à la manière des médecins : par ses fonctions. C’est, disons-nous, un appareil à se maintenir, à se reproduire. Or, il suffit de regarder un visage, une main, un signe écrit par cette main pour affirmer qu’il y a bien autre chose dans un corps que ses fonctions, que le corps n’est pas seulement un organe par où je m’inscris dans l’univers, dans la biosphère, dans l’histoire, mais qu’il est aussi une image de mon moi profond. Un langage essentiel et primordial, le miroir de mon esprit en tant qu’il m’est donné et en tant que je me le donne à moi-même en le modelant et le transfigurant parmi mes actes et mes pensées pour le meilleur ou pour le pire ; un second moi en forme de chair, qui lui-même a précédé l’éveil de ma conscience et dans lequel je vois ma nature virtuelle et mon histoire condensée : par ailleurs, le seul accès que ceux que j’aime ont pour connaître et pour aimer ce mystère que j’appelle moi, et qui, en ce moment, trace des arabesques sur du papier blanc pour vous atteindre à tâtons.

Dans cette perspective essayez de déterminer ce qu’est la mort.

Est-ce l’abolition du corps, comme l’expérience semble le prouver ? N’est-ce pas plutôt le moment où le corps cesse d’être, selon la loi des vivants, un organe d’insertion de l’esprit dans l’univers, pour devenir (après un intervalle dont la longueur, immense ou brève, instantanée peut-être, importe peu) le symbole et le support de la vie de l’esprit, ainsi qu’un moyen de communication, celle que le langage rend impossible par son opacité, mais à laquelle nous aspirons : car ce que nous appelons société dans ce monde est une juxtaposition de solitudes ?

Bien sûr, la mort biologique dément tout cela, mais il s’agit de savoir si cette fausse expérience ne doit pas être à son tour démentie et surmontée. Je vous dirais volontiers que j’ai fini par trouver de la vérité à cette idée que l’esprit était plus facile à comprendre que le corps, l’éternité que le temps, et l’existence que la non-existence.

Jean Guitton Jésus p. 190

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