Questions éthiques, contraception, encyclique « Humanae vitae »

Il est urgent que les autorités catholiques changent leur manière d’aborder les graves questions éthiques qui constituent notre actualité quotidienne.

Il est désormais urgent que les autorités catholiques changent leur manière d’aborder les graves questions éthiques qui constituent notre actualité quotidienne. La société d’autrefois était fondée sur l’obéissance. Celle d’aujourd’hui s’appuie sur l’autonomie individuelle et la concertation. Qui le regrettera ? Il faut donc tirer les conséquences de cette puissante revendication de sociétés plus instruites et plus responsables que celles des civilisations traditionnelles.

On peut affirmer sans risque de démenti que l’encyclique Humanae vitae n’aurait pas provoqué les conséquences désastreuses que l’on sait si l’on avait, d’une manière ou d’une autre, consulté le peuple chrétien ; et, après consultation, tenu compte de son avis sur la question. Le christianisme est plus qu’une morale et plus que des appareils.

Comparons deux méthodes : Paul VI retira des débats de Vatican II la question de la contraception « artificielle » pour se la réserver - décision déjà étonnante par elle-même. Il en confia alors l’étude à deux commissions : l’une de 58 experts (comprenant des laïcs), l’autre de cardinaux et d’évêques. Toutes deux conclurent qu’une telle contraception n’était pas « illicite » : celle des cardinaux et évêques par 9 oui contre 2 non et 3 abstentions ; celle des experts par 52 oui, 4 non et 2 abstentions.
Néanmoins le pape décida en sens contraire.

A l’inverse, en 2002, la Fédération protestante de France a ouvert une large consultation auprès des 500 organisations qui la constituent sur l’utilisation des embryons surnuméraires abandonnés pour en tirer des cellules souches à des fins thérapeutiques. Paroisses, associations et fidèles ont été invités à s’exprimer en toute liberté sur cette question. La première méthode choque les mentalités d’aujourd’hui. La seconde est davantage en accord avec elles.

Il ne s’agit pas, bien sûr, pour les chrétiens de dire « oui » à tout, de tenir pour non avenus les grands commandements du Décalogue, de baisser les bras devant des bio-pouvoirs anonymes ou devant des puissances financières pour qui la recherche a pour but l’argent et non le bien de l’homme.
Mais il est plus que jamais nécessaire de laisser à la conscience individuelle une place légitime dans les choix éthiques.

L’avortement de convenance n’a pas de justification morale. Mais au nom de quoi refuser la pilule du lendemain ou l’avortement tout court aux femmes violées du Kosovo ou d’ailleurs ? Qui peut décider pour elles ? Qui peut se mettre à la place de la femme enceinte dont l’enfant sera un handicapé majeur ? Autrement dit, il faut accepter la notion d’« exception » à la règle dans des cas eux-mêmes exceptionnels, comme l’a fait en France le Comité national d’éthique pour certaines situations pouvant conduire à des euthanasies. Sondage révélateur de la S.O.F.R.E.S. : en avril 2000, 86 % des Français interrogés répondirent « oui » à la question :
« En cas de maladie grave et incurable s’accompagnant d’une souffrance jugée insupportable par le malade, seriez-vous favorable à ce que lui soit accordé le droit d’être aidé à mourir à sa demande ? »
C’est là une indication supplémentaire en faveur d’un partenariat entre les religions et la société sur les questions morales mais aussi, plus généralement, en faveur d’une « éthique de la discussion » sur des problèmes aussi difficiles, qu’il faut, en outre, réévaluer périodiquement en fonction de l’avancement des connaissances et des idéaux collectifs.

Jean Delumeau : Guetter l’aurore, p. 256

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