Si Dieu nous aime, pourquoi la souffrance existe ?

Il faut pourtant constater que Jésus, resté muet sur le péché originel, ne s’est pas davantage prononcé sur l’origine du mal.
Or il me semble que nous devons l’imiter dans ce silence et, si j’ose dire, « ne pas être plus royalistes que le roi ». Claudel avec raison a écrit quelque part :

« Dieu n’est pas venu expliquer la souffrance ; il est venu la remplir de sa présence. »

Le mal, le malheur et la souffrance sont parties constituantes de notre univers. Dès avant la présence de l’homme sur terre, ils étaient là. La « loi naturelle » veut que les animaux se dévorent les uns les autres. On ne voit pas comment les différents écosystèmes auraient pu fonctionner dans le temps sans l’omniprésence de cette règle d’airain antérieure à toute morale. La vocation de l’homme est précisément de faire échec à cette « loi naturelle », au moins dans ses relations avec ses semblables, en apprenant à cohabiter avec eux et à rejeter toute violence.

Malheureusement, les civilisations se sont combattues les unes les autres, et avec des armes de plus en plus puissantes. Mais, au cours des âges, la guerre a pris dans la panoplie des causes de souffrance une place grandissante. Longtemps les principaux dangers qui ont menacé l’humanité sont venus de la nature : les épidémies, les mauvaises récoltes entraînant des famines, les incendies allumés par la foudre, les tremblements de terre. […]

[Les] paroles de révolte contre un Tout-Puissant qui permet la souffrance des innocents du fait de la maladie, des calamités naturelles et, plus encore, de la méchanceté et de l’orgueil des hommes. Ne pouvait-il pas créer la nature et les hommes autrement ? Ces questions posées à Dieu, à qui l’on demande des comptes, se sont multipliées depuis trois siècles à mesure que la perception de la violence du mal s’accroissait et que la réflexion sur celui-ci se faisait de plus en plus insistante.

Aux interrogations sur le mal naturel se sont ajoutées celles sur le silence de Dieu devant le déchaînement de la méchanceté humaine. […]

André Glucksmann enferme Dieu dans un cercle accusateur dont, pense-t-il, il ne peut sortir :
« Quand l’horreur surgit, si le Seigneur est toute-puissance, ou bien il n’est pas toute-sagesse, ou bien il n’est pas toute-bonté. Si le Seigneur est omniscient et s’il est charitable, il faut croire qu’il est impuissant. » […]

Jean Delumeau : Guetter l’aurore, p. 128 sq

L’homme se révolte contre le mal, c’est un bon signe !

« La révolte prouve que l’homme ne se résigne pas au mal. Elle manifeste que quelque chose résiste dans le cœur de l’homme. Et c’est bon signe ! C’est le signe que je ne veux pas être complice de la tragédie et que mon cœur est plus grand que le mal visible, qu’il est capable d’appréhender quelque chose de plus grand.

Par sa révolte devant le mal, l’homme "fait appel", au sens juridique du terme. Est-ce que le malheur aura le dernier mot ? Le monde sera-t-il laissé à l’injustice ?

Et auprès de qui fait-il appel ? C’est l’occasion pour nous d’interroger l’expérience de la religion juive, de l’Ancien Testament : elle ne cesse de proclamer que Dieu est notre défenseur ! Voyez par exemple dans les Psaumes : même si les « méchants » gagnent la conviction que Dieu reste toujours notre avocat est la plus forte, l’homme peut toujours s’appuyer sur Lui. Là où surgit une grande question, c’est que la victoire du bien sur le mal ne se manifeste pas souvent dans l’horizon de l’histoire …

Et de fait, la tradition chrétienne nous invite à ne pas confondre la fin de l’histoire et les fins dernières (ce que l’on appelle eschatologie) ; nous n’avons pas à espérer que le paradis s’établisse sur terre, dans l’horizon de l’histoire !

Pour autant, il ne faut pas penser que Dieu défendrait magiquement le juste. Nous ne sommes pas dans le monde de la magie […] Lisez dans la Bible le livre de Job, qui raconte l’histoire d’un homme accablé de malheurs. […]
L’expérience de Job consiste donc à se trouver dans une réelle contradiction : innocent et pourtant blessé. C’est avec Jésus de Nazareth que cette contradiction pourra être surmontée, car Dieu ne récompense pas le juste dans l’horizon de l’histoire. Il justifie son Fils en le ressuscitant d’entre les morts.

Cette situation où nous expérimentons à la fois la souffrance et l’innocence, n’est-ce pas souvent la nôtre ? Il faut donc tenir en même temps la souffrance du juste et la fidélité à Dieu. Et en temps chrétien, je découvre que c’est dans le Christ que nous trouvons non pas tellement la réponse, mais bien l’attitude, ou si l’on préfère, la posture qui convient, c’est-à-dire une posture d’abandon dans la confiance ».

Ces extraits sont tirés de l’excellent livre de Mgr Hippolyte Simon intitulé« Vous qui cherchez Dieu, voici un GPS ». Il consacre un chapitre entier à répondre à la question "Si Dieu existe, pourquoi le mal ?"

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