Et si l’Église s’essayait à la “méthode Macron“ ?

L’institution ecclésiale pourrait-elle s’inspirer de la méthode du Président pour révolutionner la structure ? C’est l’idée – hardie – de la journaliste et essayiste Anne Soupa… (Hebdomadaire « LA VIE » juin 2017)

La révolution que le nouveau Président se promet d’imprimer à notre pays intrigue assez pour qu’on s’interroge sur son ampleur et sur une possible contagion de la « méthode Macron ».

L’Église, par exemple, tirerait-elle profit de ces aspirations essentielles :
refus des clivages partisans,
mise à l’écart de structures obsolètes afin de libérer les potentialités empêchées,
préjugé du bien plutôt que du mal,
désir de dialogue et refus de la polémique et
enfin assomption du principe de compétence ?
Le tout avec « en même temps » audace et prudence.

En amont de la question posée,
constatons ensemble que l’éthique chrétienne est à la source de cette méthode, dont il est étrange qu’elle prenne autant d’entre nous à contre-pied, tant elle est inscrite dans nos gènes, que nous soyons croyants ou non.
Un Jésus qui noue une conversation avec une étrangère, femme de surcroît, la Samaritaine, ou qui rappelle que le sabbat est fait pour l’homme et non le contraire – ce que les institutions trop âgées ont l’art de ne plus vouloir entendre –, qui invite à se faire des amis avec « le malhonnête argent », et qui exhausse les talents de chacun, ne peut qu’avoir généré ladite méthode.

Les seuls trésors qui font vivre

En outre, Emmanuel Macron, « fils de jèze », ne peut qu’avoir été nourri de principes de bienveillance, de discernement et de dépassement de soi. Teilhard de Chardin, jésuite, érigeait, à partir du fondement des Exercices de saint Ignace, cette règle d’or :
« Tirer des créatures leur maximum d’énergie spirituelle (de puissance d’union) ».

Et la 22e annotation de saint Ignace rappelle :
« Tout bon chrétien doit être plus prompt à interpréter en bonne part qu’à condamner une opinion ou une déclaration obscure d’autrui. »

N’y a-t-il pas lieu d’être agréablement surpris de ces résurgences en pleine postmodernité ? Ce rappel laisserait penser que l’Église n’a rien à apprendre. Mais, outre que l’éthique de Jésus est un horizon à reprendre à chaque génération, une autre règle s’impose, à laquelle l’Église n’échappe pas : les seuls trésors qui font vivre sont ceux que nous acceptons de recevoir d’autrui. L’Église, où chaque membre est invité à se recevoir de son prochain, l’est à nouveau aujourd’hui, mais de l’extérieur. Si elle le veut, elle peut le vivre comme un appel à la conversion.

Qui ne se plaît à l’imaginer, avec une pointe de rêve dans les yeux ?

Prenons l’affaire par un seul de ses aspects :la libération des énergies bloquées. _ Comment l’Église, elle qui a les clés de la vie éternelle, peut-elle s’alléger de ce qui ne fonctionne plus, afin que tous, institution et communautés, produisent davantage de biens spirituels, c’est-à-dire plus de foi, d’espérance et de charité ?
Ce qui l’entrave aujourd’hui, c’est le clivage entre prêtres et laïcs
. Il n’offre plus le dynamisme missionnaire qu’il a apporté hier. Ce clivage est d’ailleurs amplement dénoncé, et cela est un signe.
Le célibat des prêtres est contesté « en pensée et par action ».
Et la concentration du pouvoir sacramentel sur un très faible nombre de prêtres rendra bientôt impossible leur mission de charité active auprès des personnes. À faire des prêtres les professionnels exclusifs des sacrements, ce sont les sacrements qui, déjà, les asservissent.
Est-on bien sûr qu’aujourd’hui le mode de vie des prêtres les humanise et libère leur énergie spirituelle ?

Faire advenir le temps des baptisés

Posons la même question au sujet des laïcs. Eux qui dans la vie civile sont des sujets autonomes et responsables trouvent-ils dans l’Église un dispositif qui augmente la foi, l’espérance et la charité ? D’une certaine manière, oui. Fréquentation des sacrements, soutien spirituel sont là pour fortifier l’âme et l’ouvrir à autrui.
Alors qu’est-ce qui bloque ? Sans doute une conception ancienne et bien installée qui fait d’eux des consommateurs silencieux, au mieux des supplétifs. C’est cela qui ne va plus. Il y a une révolution à accomplir.

Le mot même de laïc devrait disparaître au profit de celui de baptisé, enfin tenu pour un acteur reconnu et investi d’une mission qui dure toute la vie. Tous les ministères, désormais appuyés sur ces colonnes de l’Église que sont les baptisés, seraient en conséquence renouvelés et diversifiés selon les charismes. Ils seraient accessibles aux femmes comme aux hommes, car le baptême est identique pour les filles et les garçons.
Comment alors ne pas voir que la parité femmes-hommes s’impose dans la gouvernance de l’Église ? Aujourd’hui, quelle énergie spirituelle une femme peut-elle libérer quand l’exercice d’une responsabilité adossée à ses compétences lui est interdit ? Ce dédain est d’autant plus dommageable que l’expérience spirituelle des baptisés, femmes et hommes, est déjà là, même si les mots manquent pour la dire, et qu’il faudrait des « ministres de l’écoute » pour la déployer. Car les baptisés « de base », distincts des professionnels de l’Église, sont cette « société civile » de l’Église dont on espère l’expérience de terrain, donc les idées neuves.

Ferons-nous en sorte que « le temps des baptisés » advienne pour de bon, afin qu’il puisse donner des fruits ?

La libération des énergies ne peut se faire sans dialogue. L’Église dispose pour cela d’un outil précieux puisé dans les Évangiles eux-mêmes, le sensus fidei, ce sens de la foi qui permet de discerner ce qui est bon pour l’Église. Comment mieux l’entendre ? En quels lieux, selon quelles modalités ?
Les synodes diocésains ne pourront tenir ce rôle qu’à la condition de ne plus exclure du champ du débat tous les sujets qui fâchent.

Annoncer la Bonne Nouvelle

Libérer les énergies suppose enfin de tenir la dragée haute aux légalismes actuels, ces machines à tuer. La loi est bonne, mais trop de loi glace l’âme.
Qui dit cela aujourd’hui, qui le clame ?
Où est l’autorité morale qui non seulement construit la digue, mais ramène vers les verts pâturages ?

Encore et encore, il faut le redire : la foi qu’un chrétien confesse n’est pas foi en l’Église, fût-elle mystique, ni en un Dieu conceptuel pris dans les filets des métaphysiciens, des philosophes et des athées, ni en un catalogue dogmatique qui, au fil des générations, se substitue sournoisement au message originel.
Ce qu’un chrétien annonce, c’est la Bonne Nouvelle d’un Christ ressuscité, parole d’amour adressée à tous, ce Christ qui est venu « aujourd’hui, pour la maison de Zachée ». Cette responsabilité est celle de chacun.

La méthode Macron dans l’Église, en somme, ce serait l’optimisation d’une confession de foi, personnelle et collective. Ce « moment favorable » qu’Emmanuel Macron et ses électeurs ont su saisir, chacun dans l’Église est appelé à s’en emparer. Serait-ce pour aujourd’hui ?’

Voir cet article d’Anne Soupa sur le site internet de LA VIE

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