J. Cl. Guillebaud - La vallée de l’humiliation

Bien au-delà d’une relecture des grands textes et d’un travail sur le langage, la démarche postcoloniale en vient vite à réinterpréter politiquement l’Histoire tout entière. Il s’agit d’exhumer ce qui a été caché, de ramener en pleine lumière ce qui demeurait enfoui dans les soubassements du grand récit colonial. Ceux qui jugent abusive la violence des « subaltern studies » ou ceux qu’irritent les sempiternelles invitations à la repentance adressées à l’Occident, devraient comprendre que cette nécessaire relecture du fait colonial n’en est qu’à ses débuts.

Les crimes de masse et les massacres commis par l’Occident sont évidemment les premiers visés par cet effort de mémoire

Ils sont souvent connus de tous, certes, mais leur souvenir demeure superficiel, marginal.
Pour s’en tenir à un seul exemple, sait-on qu’entre 1880 et 1920 la « conquête apocalyptique » de l’Afrique (selon l’expression d’un africaniste) a causé la mort d’une bonne moitié de la population du continent ? Voilà des bilans qui sont rarement évoqués, beaucoup moins souvent en tout cas que ceux de la traite négrière.

Des hécatombes comparables ont été perpétrées au Moyen-Orient, en Asie ou en Amérique latine. Certes, leur souvenir est régulièrement ravivé, mais est-il vraiment intégré à la mémoire collective occidentale ? Ce n’est pas si sûr.

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J. C. Guillebaud  : Le commencement d’un monde p.153

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