Il ne s’agit évidemment pas de traduire les pauvres d’esprit !
« En esprit » veut dire : à la racine même, au cœur de l’être. La pauvreté en esprit est intérieure à l’amour.
L’amour sans pauvreté n’est pas l’amour (ceci est inintelligible si vous n’en faites pas l’expérience !). C’est pourquoi Dieu même est pauvre : il est étranger à l’avoir (Dieu n’a rien), car son mode d’exister c’est d’aimer.
Avoir une âme de pauvre (au sens où l’on parle de l’âme d’un violon : c’est sans doute la meilleure traduction de « pauvre en esprit »), c’est
être dépossédé de soi, donc se laisser mettre en question par l’autre d’une part, et, d’autre part, se fier à lui pour son bonheur à soi.
Les deux phrases qui définissent le pauvre sont celles-ci : « Je te fais crédit » (Credo) – c’est la foi – et « je te charge de ma béatitude » - c’est l’espérance.
Appuyé sur la foi et sur l’espérance, le pauvre vit dans la charité : il peut servir, se mettre au service de l’autre et des autres, car il est désentravé.
La béatitude de pauvreté domine tout l’Evangile.
D’un bout à l’autre de la Bible, le pauvre de Yahvé est le serviteur de Yahvé : il est donc dans le Royaume : heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des cieux est à eux. Etes-vous entrés dans cette expérience, dans ce style, dans ce type d’existence ? Si oui, le Royaume est à vous. Pour les autres, Jésus vous invite : si vous dites oui, le Royaume deviendra vôtre, c’est-à-dire la relation d’intimité avec Dieu. La béatitude de pauvreté domine tout l’Evangile. Elle serait impensable si Dieu lui-même n’était pas pauvre, c’est-à-dire absolument étranger à l’avoir : Dieu n’a rien, il est tout. Celui qui est tout n’a rien. Et ce tout qu’il est, est un tout donné, il n’est qu’Amour.
François Varillon, extraits de ses conférences
cf « Joie de croire, joie de vivre », p. 58