Le Séminaire français ne peut être compris en dehors de la question de la romanité et de la romanisation. La romanité est une qualité suréminente dans le catholicisme depuis le début du XXe siècle. Le terme existe en français depuis le milieu du XIXe siècle, mais ne renvoie qu’à la Rome antique : c’est le caractère des anciens romains, ou bien les territoires dominés par Rome, ou ce qui évoque les anciens romains. Le verbe « romaniser », qui évoque le fait de donner un caractère romain, est apparu quant à lui une vingtaine d’années plus tôt, et s’applique spécialement au domaine religieux : romaniser, c’est conduire aux dogmes de l’Église romaine. Le vocable traduit donc bien l’expansion de l’ultramontanisme et la capacité de l’Église romaine à faire utiliser ses rites et à adopter ses croyances.
Mais « romanité », pris dans son acception catholique, n’apparaît qu’au XXe siècle, lorsque commence l’apogée de la centralisation romaine et alors que la manière romaine de vivre le catholicisme devient la norme. Le terme devint vraisemblablement courant à partir de Pie X, et sans doute plus encore sous Pie XI, qui imposa plus que d’autres la romanisation des études. Pie XI dit ainsi aux séminaristes du Séminaire français en 1923 :
« Vous êtes venus chercher au Séminaire Français, avec le perfectionnement de vos études, une élévation plus grande, plus ardente, plus lumineuse de votre foi, de vos sentiments chrétiens, de cette romanité qui est vraiment la perfection de la catholicité. »
Plus qu’une norme, la romanité est pour un prêtre l’absolu. Elle est une qualité officielle, la plus haute, la plus enviable, presque la plénitude de la foi. Pie XII, en 1957, en fait une vertu sacerdotale, et, y distinguant trois caractères, précise sa définition lors d’un discours à de jeunes prêtres espagnols :
« [… ] vous avez pu entrer en contact avec des maîtres de la vertu et de la science qui, chacun dans sa branche, ont été également l’objet d’une soigneuse sélection ; sans parler également des moyens extraordinaires de préparation et d’étude mis à votre disposition. Tout a dû contribuer à mouler d’une façon éminente vos caractères, à cultiver vos intelligences, à élargir vos horizons humains et scientifiques, et à enrichir vos âmes avec les meilleurs exemples, les cours les plus élevés, les souvenirs les plus suggestifs, les réalisations les plus grandioses, contemplées de vos yeux mêmes. Ainsi, un prêtre formé à Rome devrait être, plus qu’aucun autre, un exemple perpétuel de doctrine profonde et sûre, un esprit simple et cultivé ; il devrait être, surtout, un exemple achevé de toutes les vertus sacerdotales.
« […] à Rome, au cœur de ce grand organisme [qu’est l’Église du Christ] […] on sent, […] on touche cette réalité vivante, cette catholicité qui fait place à tous […]
« […] il semble clair que romanité devrait signifier aussi le sentiment profondément enraciné que c’est à Rome que se trouve le centre de l’Église, que réside le Vicaire du Christ dont la mission est de paître le troupeau universel. […] Tous les prêtres, et spécialement les prêtres romains, pourraient considérer comme leur fonction particulière de ne jamais perdre ce contact vivant avec le centre, de servir de fidèles échos à toute parole venue de Rome, la faisant parvenir aux âmes confiées à leurs soins avec la même compréhension et le même amour avec lesquels elle a été prononcée. »
(Allocution de SS Pie XII à de jeunes prêtres espagnols, 21/03/57)
(Mémoire Spiritaine n°17 1er semestre 2003 p. 140)