« L’islam (les islams ?), c’est plus d’un milliard d’individus, des dizaines de pays dans le monde, des langues, des civilisations et des cultures différentes porteuses de traditions singulières (souvent d’ailleurs pérennisées au nom de l’islam alors qu’elles ne sont nullement prescrites par le dogme, tels la circoncision, l’excision, l’endogamie, le mariage forcé ou encore le statut de la femme comme mineure à vie). Cette religion est sommée de se fondre, de s’assimiler selon la bonne méthode assimilationniste tentée pendant la colonisation, et pour tout dire de cesser de faire parler d’elle. Et pour que le mouvement soit plus efficace encore, on l’essentialise, on la fixe, on la fige, on la bétonne, on l’enterre, c’est pernicieux et c’est un renversement de la charge de la preuve. Le soupçon est croissant et le dénigrement systématique. »
Karima Berger, « Eclats d’islam », p. 84
Ce qui me fait très mal, aujourd’hui, c’est de voir que Dieu est devenu une idole. Le prophète Muhammad est venu pour renverser les idoles, justement. Aujourd’hui, l’idole, c’est l’argent, mais aussi le Dieu des islamistes, des extrémistes. Quand ils tuent en disant « Allahu Akbar », pour moi c’est de l’idolâtrie. Dieu est tout sauf une idole. Une idole, c’est muet, ça ne parle pas, alors que Dieu est un Dieu vivant, c’est un Dieu qui me parle. La parole de Dieu est descendue dans le contexte de l’Histoire. Pour moi, le Coran est un lieu vivant, un lieu d’interprétation, d’ouverture. C’est aux hommes de lire le Coran et de le retraverser dans leur humanité, dans leur historicité. C’est à nous de le faire vivre. (Karima Berger, dans la revue Panorama de juillet-août 2014)
"Il y a les musulmans, l’islam et moi, et j’aimerais ne pas tout mélanger"
Mais rien de ce qui m’entoure ne contribue à me soutenir dans cette ambition. Tout pousse à l’amalgame, au brouillage, au dérapage. Les instincts de survie dans ces cas-là sont redoutables : défendre son groupe, sa communauté d’origine coûte que coûte. Ressurgit alors le réflexe identitaire, et c’est précisément cette vieille réaction, la plus humainement grégaire, que je veux tenir loin de moi, à distance.
Car mon sentiment de Dieu, je voulais le nourrir du Coran non pas parce qu’il était le livre des Arabes et que j’étais arabe, non plus parce que les Arabes sont supérieurs aux autres… et que les Arabes sont offensés et qu’il faut être solidaire… etc., etc., mais je voulais le nourrir de mon livre du Coran parce que j’y suis née et que ses versets ont le goût frais de mon berceau. »
Karima Berger, « Eclats d’islam », p. 19
Votre Dieu est donc celui de l’islam ?
« Bien sûr, puisque je suis né dans l’islam, avec les prières de mon père, de mon grand-père, avec les fêtes musulmanes. C’est ma culture. Je suis né dedans comme on naît dans un pays, avec des couleurs, des lumières, des odeurs, des plats. Mon Dieu de naissance est le Dieu de l’islam. »
Karima Berger, écrivain, dans la revue Panorama de juillet-août 2014 p.17
Les paroles du Coran vous nourrissent-elles ?
« Il y a des sourates que je connais par cœur et que je peux réciter quand je suis dans un très beau lieu et que j’ai envie de le faire resplendir, de faire résonner ces versets magnifiques. Ils vont donner à l’instant que je vis encore plus d’ampleur. J’ai l’impression que quand je dis ces paroles, cela m’amplifie, cela amplifie le monde. Ces paroles m’habitent comme un souffle divin qui me traverse. Je récite aussi un chapelet de mon grand-père. Et puis, il y a le tapis de prière de mon père, que j’aime beaucoup. Mon père n’a jamais cessé de faire sa prière à partir de 12 ans. Son tapis de prière est en soie, qu’il avait rapporté de la Mecque. Il porte les marques de ses mains, de son front, de ses genoux et de ses pieds. C’est à chaque fois une émotion de me mettre dans ses marques, c’est ma filiation. »
Karima Berger, écrivain, dans la revue Panorama de juillet-août 2014, p. 16
Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême, dans LA VIE, n°3620, du 15 janvier 2015
« L’incompréhension se situe aussi sur le registre culturel, et c’est le deuxième défi. Nous n’avons pas perçu que les populations qui ont grandi dans l’islam sont très soucieuses de pudeur, une valeur centrale de l’islam. Elle façonne les mentalités de manière très profonde. Or l’Occident tient de son héritage gréco-romain d’être une société du dévoilement des corps. Beaucoup de jeunes de la troisième génération ont le sentiment de vivre dans une société impudique. »
« L’enseignement du fait religieux, c’est justement une prise de distance critique et intelligente. C’est la seule manière de se prémunir contre le fanatisme religieux. Malheureusement, une partie de la classe politique est analphabète au plan religieux et habitée d’un fort anticléricalisme qui n’est pas en phase avec la réalité de la société. »
P. Christian Delorme, spécialiste du dialogue islamo-chrétien et prêtre du Prado dans le diocèse de Lyon. (Journal La Croix 15 janvier 2015)
→ Comment dois-je faire face à des gens d’une autre croyance ?