Il faut donc s’insurger contre les théories qui font de la croyance religieuse une attitude infantile. Nous devons dépasser aussi la notion de religion conçue comme « opium du peuple », introduite par Marx, pour lequel les relations matérielles détermineraient la conscience.
Or, c’est l’inverse qui se produit, la conscience réordonne les questions matérielles : le culturel et le spirituel font bouger le monde. C’est le respect de l’homme, c’est le surgissement des libertés qui entraînent les plus fortes évolutions. La religion, loin d’endormir, participe à cet univers-là ; on l’a bien vu avec l’effondrement des régimes marxistes et la prise de conscience des injustices dans les sociétés d’Amérique latine ou aux Philippines.
La religion ne disparaît pas quand
on va de la campagne vers les villes
Un autre mythe s’écroule, celui qui consistait à dire que la religion disparaît quand on va de la campagne vers les villes. Ce n’est pas vrai. Les pratiques religieuses sont souvent plus élevées dans les villes modernes que dans les campagnes arriérées.
Cela veut dire que subsiste, dans nos têtes, une idéologie qui a assimilé le progrès scientifique et technique à l’élimination de la religion. Or, les faits démentent complètement cette perspective. Je m’étonne de ce qu’a écrit un chercheur français, Emmanuel Todd. Dans un livre récent La nouvelle France, il précise :
« Nous sommes entrés dans la troisième crise du catholicisme français, que l’on peut considérer comme terminale. »
Or, nous sommes vraiment très loin de ce scénario qui pense le monde catholique sur le modèle communiste ou sur celui des idéologies éphémères.
Un mouvement d’idées devenu obsolète persiste à considérer la religion comme aliénante et voudrait faire croire qu’il faut s’en libérer au fur et à mesure que l’on mûrit. Les faits montrent exactement le contraire puisque, selon les enquêtes, les croyants les plus convaincus se recrutent également dans les populations à haut niveau culturel. Que peuvent valoir les préjugés selon lesquels la religion engendre l’ignorance et l’obscurantisme quand on sait que de nombreux pratiquants figurent parmi les gens les plus à l’aise dans la rationalité moderne ?
Henri Madelin, Sous le soleil de Dieu, p. 43