La foi, à mes yeux, était réservée aux gens sérieux, aux pieux, aux prieurs acharnés même, aux vieux pleins de sagesse ou aux professionnels de l’Église… Maintenant je vois que je me trompais. Avoir la foi, c’est facile, c’est comme d’être amoureux ! La foi, c’est un vent de jeunesse, c’est de la joie, de la fantaisie, du plaisir ! C’est donné gratuitement et ça rend heureux…
Mais pour cela il faut accepter de tout lâcher, de s’abandonner, se donner, se livrer, corps et âme, et laisser Dieu s’emparer de tout. Et puis, contrairement à ce qu’on nous enseigne, faire confiance à nos désirs… C’est adopter l’attitude contraire à celle de l’effort, de la maîtrise, du contrôle des pulsions, qu’on voudrait cadenassées, claquemurées par la morale.
J’observe ma mère tout en disant cela. Je sais que cette vision doit être un peu ébouriffante pour elle. C’est même l’inverse de ce qu’elle essaye de bâtir depuis toujours. Je poursuis mon exposé : je ne sais pas si je peux me targuer d’avoir la foi, mais ce que j’éprouve concrètement, c’est un bonheur dans ma vie de tous les jours. Un sentiment neuf qui me rend joyeux et me donne envie de rendre les autres heureux comme moi.
Tout cela est tellement renversant que même les rituels ennuyeux de la messe me paraissent désormais gais et agréables, comme les signes précurseurs d’une fête qui s’annonce… Il faut se laisser aller, en somme, et lâcher le petit tas de certitudes minables auxquelles nous nous accrochons comme à un bas de laine rempli de pièces d’or ; elles nous donnent l’illusion d’être forts, mais en réalité nous maintiennent dans un esclavage rassurant.
Thierry Bizot : « Catholique anonyme » p. 207