Dans la rencontre avec la mort, la question du sens de la vie devient concrète. Avez-vous peur de la mort ? Quel remède prescrivez-vous contre la peur ?
J’ai dépassé les quatre-vingts ans ;
à cet âge, on peut faire quelques calculs. Nous savons combien d’années sont données à l’homme. Si l’on en croit la Bible, atteindre un âge élevé revient à avoir quatre-vingts ans (psaume 90). Ce calcul comporte une certaine inquiétude. Il s’ensuit que l’on prévoit de tout faire, dans le travail et dans les rapports humains, pour que tout continue convenablement. Ce que je commence, d’autres doivent pouvoir le continuer.
Cela me fait réfléchir
lorsque je vois comment de vieilles personnes tombent malades, éprouvent des douleurs et dépendent d’autrui. Selon une histoire indienne, la vie se déroule en quatre phases. D’abord nous apprenons, ensuite nous enseignons ; puis nous nous retirons et apprenons à nous taire ; dans la quatrième phase, l’homme apprend à mendier.
J’espère que Dieu n’exigera pas trop de moi ;
il sait ce que nous pouvons supporter. Peut-être, au moment de ma mort, quelqu’un tiendra-t-il ma main. Je souhaite pouvoir prier à ce moment-là. Nous nous exerçons à prier. Je sens alors que je suis à l’abri auprès de Dieu. Ce sentiment de sécurité, la mort ne peut pas nous l’enlever.
« Mes parents sont morts depuis longtemps »
L’autre monde vers lequel nous nous dirigeons, nous pouvons déjà aujourd’hui le fortifier en nous, non pas en vivant pour nous-mêmes, mais pour les autres, en percevant la communion des saints. Mes parents sont morts depuis longtemps, mais je ne les oublie pas. Je leur suis reconnaissant. Je peux leur parler. C’est un bel usage d’allumer une bougie pour les défunts.
À mesure que l’on vieillit, on compte de plus en plus d’amis dans l’autre monde, plus que dans ce monde-ci. Dans la Sainte Messe, nous sommes au cœur de la communion des saints. Autour de Jésus se rassemblent nos chers défunts qui sont auprès de Dieu, tout comme les hommes avec lesquels nous vivons et travaillons. Et surtout les hommes que nous voudrions remercier.
Nous avons une famille spirituelle ; cela, les enfants des rues savent peut-être mieux l’apprécier que nous qui avons pu grandir dans la sécurité. Les bienfaiteurs donnent aux enfants non seulement de l’argent, mais encore de la sécurité par leur compassion et par leurs prières.
Je me souviens de ce théologien évangélique avouant à son épouse, sur son lit de mort : J’ai réfléchi ma vie durant sur Dieu et l’au-delà, mais maintenant je ne sais plus rien. Sauf que je suis à l’abri même dans la mort. C’est aussi mon espoir.
(Carlo Maria Martini, Le rêve de Jérusalem, DDB 2009, p. 57)