— Je suis le Dieu caché, séparé de vous par des immensités, dissimulé dans les lointains, réfugié dans mes lois pour vous permettre à la fois de me nier et de me découvrir. Ce qu’il y a de plus beau dans l’univers, ce qui lui permet d’avancer sans s’effondrer dans la platitude et dans l’ennui, c’est qu’il est un secret. (…)
Le mal est un mystère. Le monde est un mystère. Je suis moi-même un mystère. Et il ne sera pas dissipé avant la fin des temps.
Même pour ceux qui me haïssent ou m’ignorent,
je suis, par mon absence, leur raison
ignorée de penser et d’agir.
À ceux-là même qui me nient, qui pensent que la vie n’a pas de sens et qui choisissent l’absurde contre le mystère, mon absence est si odieuse qu’il ne t’est pas interdit d’y voir comme la marque en creux de ma présence. Depuis toujours, vous levez les yeux vers le ciel étoilé, vous vous effrayez des abîmes que vous sentez s’ouvrir en vous. Pourquoi, si je n’étais pas, vous demanderiez-vous si je suis ? Même pour ceux qui me haïssent ou m’ignorent, je suis, par mon absence, leur raison ignorée de penser et d’agir. (…)
Vous n’avez jamais cessé de me chercher. Vous ne cesserez jamais de me chercher. La meilleure preuve de Dieu, ce ne sont pas les miracles, les prophètes, les martyrs, les discussions des conciles, les débats des rabbins ou des ulémas, les arguments ontologiques depuis longtemps émoussés : c’est votre inquiétude et votre chagrin. Et c’est votre espérance.
J. d’Ormesson : « La création du monde » p. 194