La mystique du cœur, cette ouverture du moi profond sur une réalité mystérieuse au-delà de la personne, consiste justement à ne pas se contenter de marmonner des prières du bout des lèvres ou de pratiquer des rites pour avoir la conscience tranquille.
Le Christ fustige cette croyance tiède et hypocrite. Pourvu que le cœur de l’homme se rapproche de Dieu, et ses lèvres le célèbrent dans la vérité ! Toute vraie prière descend dans les profondeurs du cœur. Un long et patient apprentissage est requis pour se libérer des séductions asservissantes du monde, pour maintenir l’esprit étroitement uni au cœur ou enclos en lui. Emotions et pulsions sont alors paisiblement maîtrisées, et, plus précisément, c’est l’Esprit divin qui, ayant fait sa demeure en l’homme, accomplit cette maîtrise en lui.
L’Évangile exhorte avec gravité à prier :
« Veillez et priez, car vous ne connaissez ni le jour ni l’heure. »
La prière est une occupation familière pour le croyant qui veut approfondir sa foi, ou faire de sa vie une prière. Elle introduit une étincelle d’éternité dans le cœur. Le moment ultime de notre existence quand elle arrivera à son terme nous reste caché. Pour les uns, ce sera la chute dans le néant dont l’idée peut être à la source d’une cruelle angoisse. Pour les autres, ce sera l’entrée dans une autre réalité, celle de la vie éternelle, celle d’un Père de miséricorde toujours prêt à accueillir ceux qui, à l’achèvement de leur souffrance, se tournent vers lui. Il a bien accueilli le fils prodigue qui, dépouillé de tout, chancelant au bord de l’abîme, a eu le courage de faire retour auprès de celui auquel il devait la vie. C’est peut-être cela le sens de la prière : chasser le masque hideux de la mort, du désespoir.
Michel Evdokimov : Ouvrir son cœur p. 28
« Prier c’est oser une confiance totale en plus grand que soi » « Bâtir une spiritualité au carrefour des traditions n’est pas sans risques. Il faut se garder d’absolutiser un chemin sans se perdre dans la dispersion et le syncrétisme. Pour ma part, j’essaie de suivre le Christ, et sur ce chemin le bouddhisme m’aide à me délester du moi et de tout son attirail. Chaque jour, j’essaie de fréquenter les Évangiles et de nourrir une authentique vie de prière. À mes yeux, prier, c’est se déshabiller pour de bon, quitter un à un tous les rôles pour se tenir à l’écoute d’une transcendance et oser un abandon, une confiance totale en plus grand que soi. Ici les étiquettes, les représentations, les attentes volent en éclats et le moi peut s’éclipser. Il en faut, du courage, pour se laisser tomber au fond du fond, oser ne rien faire, ne rien dire, ne rien vouloir et laisser Dieu s’occuper de Dieu. Prier, c’est dire oui à tout ce qui arrive, vivre sans pourquoi. Alors nous quittent, presque malgré nous, les mécanismes de défense, les refus et cette soif de tout maîtriser.
C’est, dépouillé de tout, que l’on peut oser l’impensable : appeler Dieu, Père. Si ce chemin est difficile, aride parfois, car le moi résiste toujours, j’y trouve une joie immense, une liberté qui m’invite à me débarrasser des béquilles, pour avancer et aimer gratuitement. »
→ Le plaidoyer pour la sagesse d’Alexandre Jollien, Christophe André et Matthieu Ricard
Autres documents sur la prière
« Avec un groupe d’étudiants à l’Institut protestant de théologie, à Paris nous avons mis en place … »
« Ma vie de prière est en lien avec la règle de la fraternité des Veilleurs », etc.
VOIR ces deux extraits dans l’hebdomaire « La Vie » du 28 août 2014