Dans notre vie il y a deux passages :
- Le premier passage est notre naissance humaine : nous avons passé de ce néant où nous étions, neuf mois avant de venir au monde, à la situation de ce petit bébé dans son berceau. Passage prodigieux déjà, passage du néant à l’existence humaine qui est une existence intelligente et libre. Mais ce premier passage n’est que la condition d’un second passage.
- Le deuxième passage est celui d’une existence humaine à l’existence proprement humano-divine. Ce passage est incommensurable par rapport au premier ou alors nous ne savons pas ce que nous disons quand nous prononçons le mot Dieu. C’est énorme que de passer du néant à l’existence humaine, mais c’est encore beaucoup plus énorme de passer de l’existence humaine à l’existence humano-divine.
Le premier passage se fait sans notre assentiment, on ne nous a pas demandé notre assentiment pour nous mettre au monde. Le vieux poète latin Lucrèce – qui était pessimiste - s’en plaignait déjà dans un vers admirable où il écrivait qu’il a été projeté ‘du ventre de sa mère aux rivages de la lumière’ et il ajoutait : ‘Mais tout cela s’est fait sans moi !’ Le deuxième passage ne se fait pas sans nous, il s’accomplit tout au long de la vie.
(…) Je saisis l’occasion de vous dire en passant que, selon le christianisme, l’existence humaine est véritablement sublime. Devenir ce qu’est Dieu, songez-y ! Mais si l’existence humaine est sublime, elle est aussi tragique et il est impossible qu’il en soit autrement. Il n’y a pas de milieu entre être divinisé et être damné. Le sublime ne serait pas vraiment sublime si son envers n’était pas tragique.
François Varillon, extraits de ses conférences
cf « Joie de croire, joie de vivre », p. 39