"C’est un intellectuel marxiste, Gilbert Mury, qui m’a aidé, lors d’une semaine des Intellectuels catholiques à Paris, à expliciter ma propre pensée sur le salut.
’A mon avis, a-t-il dit, ce mot entraîne quatre questions :
- qui est sauvé ?
- qui sauve ?
- sauvé de quoi ?
- sauvé pour aboutir à quoi ?’
’Voici la réponse marxiste : qui est sauvé ? l’homme ; qui sauve ? le prolétariat organisé en parti ; sauvé de quoi ? de l’aliénation (injustices, exploitations, etc.) ; pour aboutir à quoi ? à la société sans classes, à la cité harmonieuse et fraternelle.’
Après quoi, j’ai donné la réponse chrétienne :
’- Qui est sauvé ? l’homme ; qui sauve ? Jésus Christ ; sauvé de quoi ? de la finitude de la créature (nous sommes des êtres finis !) redoublée par le péché, aliénation beaucoup plus profonde ; pour aboutir à quoi ? non pas à la société sans classe mais à une vie éternelle divinisée, ce qui n’exclut pas d’ailleurs l’objectif humain d’une société plus juste et plus fraternelle (disons-le en passant, nous ne serons pas divinisés, nous n’irons pas au ciel — pour parler comme le vieux catéchisme —, si, maintenant, nous ne travaillons pas, autant que nous le pouvons, à créer un monde plus juste, plus fraternel, plus profondément humain).
On nous a toujours parlé du salut : on avait peut-être omis de préciser tout cela.
François Varillon, extraits de ses conférences
cf « Joie de croire, joie de vivre », p. 19