Richard Feynman était l’un de mes professeurs favoris. Il me fallut quelque temps pour m’habituer à son fort accent new-yorkais du Queens, mais cela valait la peine. Il commençait toujours par détendre l’atmosphère de la classe en nous racontant une anecdote sympathique, ce qui nous mettait tout de suite à l’aise. Il avait un humour décapant et adorait nous poser des colles.
Je n’ai cependant jamais senti chez lui la moindre condescendance envers ses étudiants. […] Nous étions tous, quant à nous, fascinés de l’entendre et de la voir, ponctuant chaque parole avec de grands gestes, et soulignant chaque phrase avec des moues expressives.
Il avait une conception tout à fait personnelle et originale de la physique fondamentale. Il regardait inlassablement la nature avec des yeux neufs, loin des sentiers battus, et réinterprétait tout – mécanique classique, électromagnétisme, gravitation, mécanique quantique – à sa manière. Il possédait une intuition hors du commun. Quand il s’attaquait à un problème, on avait l’impression qu’il connaissait déjà la solution et que le raisonnement qui suivait ne servait qu’à étayer son intuition.
Trinh Xuan Thuan : Le cosmos et le lotus (Albin Michel) p. 35
James Gunn était extraordinairement doué. J’étais éberlué par sa faculté à passer des concepts les plus abstraits et ardus, des équations les plus compliquées à la construction de détecteurs électroniques ultrasophistiqués.
En général, comme je l’ai expliqué, l’astrophysicien est soit observateur, soit théoricien, soit instrumentaliste. Gunn, lui, portait les trois caquettes à la fois. On était bien loin du scientifique d’antan qui pensait que mettre la main à la pâte était indigne d’un grand professeur.
En outre, marque des grands, lui aussi était doué d’une intuition hors du commun en ce qui concerne l’astrophysique.
Trinh Xuan Thuan : Le cosmos et le lotus (Albin Michel) p. 75
Spitzer était un scientifique d’une trempe exceptionnelle. A l’instar de tous les grands, il possédait une intuition hors du commun concernant les phénomènes physiques et, comme Feynmann, il connaissait généralement la réponse à un problème avant même de commencer les calculs. Il a contribué de manière fondamentale à la recherche dans trois domaines scientifiques différents : le milieu interstellaire, les amas globulaires (j’ai étudié leur évolution dynamique avec lui) et la physique des gaz chauds (qu’on appelle les « plasmas »)
Trinh Xuan Thuan : Le cosmos et le lotus (Albin Michel) p. 57
Voir aussi ce qu’il dit de Gell-mann (p. 38),