« La question qu’ils [les scientifiques] se sont posée pour chaque modèle d’univers est : « Héberge-t-il la vie et la conscience après une évolution de 13,7 milliards d’années »
La réponse est des plus surprenantes : la très grande majorité des univers possèdent une combinaison « perdante » et se retrouvent dépourvus de vie et de conscience – sauf le nôtre, où la combinaison est « gagnante » et dont nous représentons, en quelque sorte, le gros lot. La plupart des univers sont stériles parce qu’ils sont incapables de fabriquer des étoiles massives. Sans celles-ci, les éléments lourds comme le carbone, brique de la vie, ne pourraient exister. »
Trinh Xuan Thuan : Le cosmos et le lotus (Albin Michel) p. 225
Considérons par exemple celui qui existe entre la charge électrique du proton et celle de l’électron. Le premier a une charge positive, tandis que le second possède une charge négative. Bien que le proton soit près de deux mille fois plus massif que l’électron, leurs charges sont égales à un extrême degré de précision.
Si la charge électrique du proton et celle de l’électron différaient un tant soit peu, par exemple seulement d’un cent millième de millionième, les atomes qui composent la matière ne seraient plus neutres, les forces électromagnétiques les feraient se repousser les uns les autres, et les pierres, les tables e les personnes exploseraient. […]
Considérons ensuite le réglage extraordinaire de la force électromagnétique par rapport à la force gravitationnelle. La première est fantastiquement plus grande que la seconde. Ainsi, la force électromagnétique entre deux protons est 10 (puissance36) plus grande que leur attraction gravitationnelle. […]
Mais en dépit de son extrême faiblesse, la gravité règne en maître dans l’univers et régit les mouvements des galaxies, des étoiles et des planètes car, à mesure que les objets grandissent, leur masse et leur force gravitationnelle croissent en proportion. Et cela parce que la gravité agit toujours dans le même sens : elle est toujours attractive.
Ce qui n’est pas le cas de la force électromagnétique : deux charges de même signe se repoussent et deux charges de signe opposé s’attirent. Une nette charge électrique est nécessaire pour que la force électromagnétique agisse. Toutefois, à cause de l’égalité des charges de l’électron et du proton, les charges électriques négatives et positives dans les innombrables atomes qui composent les structures cosmiques s’annulent presque parfaitement, ce qui rend les forces électromagnétiques inopérantes sur de larges distances. […]
Prenons un dernier exemple encore plus impressionnant.
Considérons la densité initiale de matière dans l’univers. La matière exerce une force gravitationnelle attractive qui freine l’expansion universelle. Si la densité initiale était trop élevée, l’univers cesserait de se diluer et inverserait son mouvement. Selon la valeur exacte de la densité, il s’effondrerait sur lui-même au bout d’un million d’années, d’un siècle, ou même d’une année. Ce laps de temps serait trop court pour que les étoiles naissent et se livrent à leur alchimie nucléaire. Sans éléments lourds, la vie ne serait pas possible.
À l’inverse, si la densité initiale était trop faible, la force de gravité serait insuffisante pour faire s’effondrer les nuages d’hydrogène et d’hélium issus du big bang et former des étoiles. Et sans étoiles, pas d’éléments lourds, donc pas de vie ni de conscience ! Tout se joue en fonction d’un équilibre extrêmement délicat, d’une précision comparable à celle dont devrait faire preuve un archer pour planter une flèche dans une cible carrée d’un centimètre de côté qui serait placée aux confins de l’univers !
Même si ce réglage minutieux n’est pas aussi spectaculaire pour les autres conditions initiales et constantes physiques, la conclusion reste la même : un changement infime entraînerait la stérilité de l’univers.
Celui-ci était gros de la vie et de la conscience dès son début
Trinh Xuan Thuan : Le cosmos et le lotus (Albin Michel) p. 226