La Bretagne au XXe s., la période des inventaires, le Parti nationaliste breton (PNB)

Des inventaires dans un climat de guerre civile - Une longue exaspération donne naissance à une résistance plus structurée.

L’indignation et la réaction bretonnes sont beaucoup plus violentes quand, après la séparation de l’Église et de l’État obtenue de la Chambre par le Nantais Aristide Briand en décembre 1905, les inventaires des biens des églises sont décidés. Ils sont considérés comme des sacrilèges et de véritables spoliations, car les édifices cultuels ont souvent été construits grâce à la foi et à l’argent des fidèles.

Dans une ambiance de guerre civile …

En Bretagne souvent plus qu’ailleurs, leur réalisation se fait en 1906 dans une ambiance de guerre civile. Afin de les empêcher, prêtres et fidèles n’hésitent pas à se transformer en combattants… Et les préfets à faire appel aux gendarmes et aux soldats.
Des églises sont transformées en forteresses du haut desquelles on jette de grosses pierres sur la troupe. Ici des barricades sont édifiées. Là les portes d’un sanctuaire sont « solidement barricadées à l’aide de madriers, de grosses barres de fer et de fortes plaques de même métal scellées dans la pierre de taille ».
Devant l’entrée 600 manifestants armés de gourdins ; à l’intérieur 250 autres, formant l’ultime rempart, lancent « sur les soldats… des coups de pieux très acérés et longs de trois mètres et plus » lorsque les assaillants réussissent à briser des parties de vantaux.

Une longue exaspération donne naissance à une résistance plus structurée

C’est donc dans un climat de longue exaspération, où religion et culture ont été malmenées par les gouvernants, que prennent forme dans la péninsule au début du XXe siècle des noyaux de résistance plus structurés. C’est en toute logique que naît, en 1911, un mouvement au seul nom évocateur : le Parti nationaliste breton (PNB).

Pour manifester ses intentions, son créateur, Camille Le Mercier d’Enn, fait paraître un journal au titre explicite : Breiz Dishual, c’est-à-dire « la Bretagne libre ». Sa démarche ainsi que celle de ses compagnons, du reste peu nombreux, se veut résolument tournée contre la France. Le petit groupe manifeste dès le 29 octobre, lors de l’inauguration d’un monument commémorant le rattachement de la Bretagne à la France, posé dans une niche sur l’hôtel de ville de Rennes.

Politiques, syndicalistes, intellectuels et clergé s’éloignent peu à peu de la mère patrie

Les politiques, les syndicalistes ou les intellectuels ne sont pas les seuls à s’éloigner progressivement de la mère patrie. Le clergé, toujours indigné par des attaques en règle contre l’Eglise, donne de la voix de plus en plus, une voix beaucoup plus écoutée que celle des autres en cette terre de chrétienté.
En 1905, un jeune prêtre léonard, l’abbé Jean-Marie Perrot, crée l’association Bleun-Brug (Bruyère bleue) qui bénéficie de l’appui de nombreux ecclésiastiques locaux. Son but : défendre la foi et la langue du pays, fondements de l’entité bretonne battue en brèche par les ministères. Fort de son succès, certain du bien-fondé de sa cause, il accepte de diriger en 1911 la revue Feiz ha Breiz, « Foi et Bretagne », diffusée surtout dans le Léon. Il y prend des positions de plus en plus nationalistes, tempérées par un esprit de charité chrétienne, puisque, pour lui, l’amour passionné du pays ne doit pas être exclusif de bons sentiments envers la France.

Une résistance pacifique provoquée par le jacobinisme et une certaine forme de terrorisme

La volonté d’uniformisation nationale avait pour objectif de mettre un terme aux traditionnels libertés et privilèges des Bretons. Ceux-ci, habitués à vivre dans leur culture, ont vivement réagi quand ils l’ont sentie menacée, car elle était devenue leur seul bien, leur richesse suprême au milieu de la misère ambiante. Ce sont le jacobinisme et une certaine forme de terrorisme qui ont projeté des Bretons dans une résistance pacifique mais déterminée à la veille de la Grande Guerre.

Extrait de Philippe Tourault : « La résistance bretonne du XV° siècle à nos jours » p. 263

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