Derrière le plus violent se cache souvent le plus souffrant
"Vingt années de pratique d’éducateur spécialisé m’ont fait découvrir que derrière le plus violent se cache souvent le plus souffrant.
Le jeune ’bien dans sa tête’, ’à l’aise dans ses baskets’ ne se posant pas de problème identitaire, n’utilisera pas la violence.« »C’est la peur qui, bien souvent, conduit l’adolescent à s’énerver. Et c’est la panique qui souvent pousse au geste mortel." p. 74
Des « handicapés du langage émotif »
"Tous les adolescents, dits criminels, que j’ai pu côtoyer ont tué sous l’effet de la panique. Notons que très souvent le jeune qui recourt à la violence, est celui qui ne dispose pas de mots pour traduire ce qu’il ressent.
La caractéristique du langage que j’observe chez les enfants et adolescents des cités, c’est d’appartenir au registre ’constatif’ (’il y a une belle voiture, une belle fille’) ou du ’performatif’ (’je vais me la faire’) mais très peu celui de ’l’émotif’. Les jeunes qui utilisent le langage de la rue, sont en quelque sorte des ’handicapés du langage émotif’. Ne disposant pas de mots pour exprimer ce qu’ils ressentent ils se servent de leurs poings.
Il faudrait à ce sujet souligner les effets de la banalisation outrancière de toutes les insultes verbales, du genre ’va te faire enculer, pédé’ ou ’nique ta mère’. Toutes les insultes étant devenues banales, lorsque l’on veut signifier que les limites sont dépassées, on sort le couteau.
Favoriser l’expression
Ecouter et donner libre cours à l’expression de la souffrance.
"Voilà pourquoi prévenir la violence ne passe pas seulement par le développement d’ateliers d’arts martiaux, mais par celui d’ateliers d’expression corporelle, théâtrale, musicale, poétique. En bref il s’agit de développer tout ce qui peut permettre aux jeunes de verbaliser leur ressenti. Et ceci demeure également vrai face au petit écran. Les jeunes ont besoin de rencontrer des adultes leur permettant de verbaliser les émotions ressenties.
Combien est-il dangereux de laisser seul un enfant enregistrer les images de la télévision, sans lui donner la possibilité de discuter de ce qu’il ressent ! On a vu les ravages que cause la confusion entre monde réel et virtuel. La prévention passe par la mise en mots des émotions, qui, seule, permet la prise de recul." p. 81
Extraits de La violence et les jeunes de Jean-Marie PETITCLERC