II naît le 20 mai 1789, quelques semaines après l’ouverture des Etats généraux, au hameau du Rosey, à Marlhes, petit village de montagne à vingt-cinq kilomètres de Saint-Etienne. Son père, Jean-Baptiste Champagnat, cultivateur et marchand, aisé et instruit, joue un rôle de premier plan dans la construction d’une société libre et fraternelle que représente la Révolution dans les espoirs du peuple des campagnes.
Difficultés et déboires ne lui sont pas épargnés, et il doit s’opposer aux excès des extrémistes, tel Javogues. L’enfance de Marcellin en est marquée. Sa formation religieuse a été solide et, à 15 ans, il veut se faire prêtre, mais à peine est-il allé à l’école. Après deux ans de laborieuses études primaires, il entre au séminaire dans la classe des commençants !….
Un promoteur de l’éducation populaire
Vers la fin de ses études, Marcellin Champagnat fait partie d’un groupe de séminaristes, dont Jean-Claude Colin, qui forme le projet d’une société de prêtres, la Société de Marie. « Il faut aussi des Frères pour éduquer les enfants des campagnes », répète-t-il. Il a été frappé de la détresse de la France rurale où, seuls, les gros bourgs ont des écoles.
Prêtre en 1816, il est nommé vicaire à La Valla, petit village à neuf kilomètres de Saint-Chamond ; et, dès le 2 janvier 1817, deux jeunes gens, Jean-Marie Granjon et Jean Baptiste Audras, qu’il installe dans une modeste maison, deviennent les premiers Frères Maristes, voués à l’éducation dans les campagnes.
Un prêtre de terrain
Vicaire de village, Marcellin Champagnat parcourt inlassablement l’immense paroisse de La Valla, où les hameaux s’accrochent aux pentes des montagnes du Pilat, jusqu’au col de la Croix-de-Chaubouret et au Bessat. Terrien lui-même, il comprend les difficultés des habitants qui vivotent de maigres cultures, d’un petit élevage et d’un artisanat familial, comme la fabrique de clous. Attentif à tous, il a le geste qui réconforte et les mots qui disent Dieu. Et bientôt la paroisse se transforme.
Un constructeur
Le noviciat des Frères, à La Valla, a prospéré et, en novembre 1818, Frère Louis fonde la première école, à Marlhes. Et puis, c’est La Valla, Saint-Sauveur, Bourg-Argental, Tarentaise… Aussi la maison est-elle devenue trop petite. Et, en 1825, quand la communauté s’installe dans la maison de l’Hermitage, elle compte 20 Frères et 10 postulants, et 22 Frères dans les écoles…
L’Hermitage… Une vaste construction sur les bords du Gier, à trois kilomètres de Saint-Chamond. Le Père Champagnat et ses Frères l’ont construite en grande partie de leurs mains. Le vallon est si exigu qu’il leur a fallu gagner du terrain sur la montagne, un rocher schisteux attaqué à grands coups de pics et de burins.
Un Educateur, éveilleur de personnalités
Mais les mains, armées du marteau et du burin que lui prête le sculpteur, symbolisent aussi son action d’éducateur qui aide ses Frères à découvrir et épanouir leur personnalité…. Merveille de la grâce et du talent d’éducateur de Marcellin Champagnat : bien que vivant la même Règle, les premiers Frères, dont nous parlent les biographies, sont tous différents, chacun s’étant épanoui dans le sens de sa nature profonde : Frère Louis, F Stanislas, F Hippolyte, F François, qui sera son premier successeur, et tant d’autres…
Un fondateur qui pousse le bon sens jusqu’à l’impossible
Ces Frères, c’étaient de jeunes campagnards attirés par la bonté souriante et la Foi rayonnante du Père. « Folie de vouloir faire de ces garçons ignorants des instituteurs et des catéchistes ! », disent de sages conseillers. "Tant d’enfants les attendent !, répond le Père. Il faut les former !" Et il entreprend l’impossible.
Un autre impossible les attend : pour loger les Frères, subvenir aux frais d’entretien, il faut des sommes énormes ! Qu’à cela ne tienne ! Il entreprend des constructions, engage des dépenses…
Les prudents interviennent auprès des autorités… Mais Marcellin Champagnat va de l’avant… « Si le Seigneur ne bâtit la maison, aime-t-il à répéter avec le psalmiste, en vain travaillent les maçons. » Mais vraiment, le Seigneur, par lui, bâtit la maison, la maison de pierre de l’Hermitage et l’édifice de l’Institut, bientôt immense… Folie pour les hommes, sagesse selon le cœur de Dieu !
Une humilité ambitieuse
Pour orner la vie et l’âme de ses Frères, Marcellin Champagnat leur donne cette fleur des champs que, petit berger au Rosey, il a souvent cueillie pour l’offrir à la Vierge : la violette… Trois violettes, plutôt : l’humilité, la simplicité, la modestie. « Faire le bien sans bruit… »
Et sur le même ton, il dit aussi : « Tous les diocèses du monde entrent dans nos vues. »
Une Foi robuste et contagieuse
Des Frères sont dans le premier groupe de missionnaires qui part pour l’Océanie… Il voudrait partir avec eux. Mais sa place est parmi ses Frères, dans les jours lumineux et, surtout, lorsque de noirs orages secouent l’édifice encore fragile de la jeune communauté. Les épreuves, qu’il surmonte avec sa Foi robuste, modèlent et polissent sa fougueuse personnalité comme l’eau, parfois tumultueuse, du Gier, polit les galets. Cette idée est exprimée plastiquement par la statue créée par Gabriel Gouttard, à l’Hermitage.
Paysan habitué à lire dans les couleurs du ciel, les frémissements et les parfums de la glèbe, Marcellin Champagnat lit « les signes du temps ». La détresse des jeunes ruraux, celle de Jean-Baptiste Montagne, 17 ans - qu’il prépare à la mort le 28 octobre 1816, il la voit avec le regard du Christ… Pratique et réaliste dès le 2 janvier 1817, il prend avec lui deux garçons de 23 et 15 ans, les premiers Frères Maristes au service des jeunes. Avec saint Paul, il dit : « Vivre, pour moi, c’est le Christ. » Et il propose à ses disciples de vivre avec le Christ dans ses mystères à la suite de la Vierge Marie. Et il le fait dans un langage vivant et imagé : « Prenez les premières places à la Crèche, à la Croix, à l’Autel ! Marie, notre Première Supérieure, notre Ressource Ordinaire. » Cette spiritualité, toujours actuelle, dans son fond comme dans son expression, est illustrée par les fresques de la salle de Communauté de l’Hermitage.
(Fr Henri Vignau dans « Enseignement catholique, mars-avril 1991, ECD 1632 »)