L’article d’Armand Abécassis a le mérite de la clarté : Jésus était 100 % juif. Même si certains passages paraissent peu explicites, il me semble que la très grande majorité des chrétiens partagent cette vision. Nous abondons même très largement dans son sens lorsqu’il affirme que Jésus ne priait pas dans les synagogues et qu’il ne lisait ni les Évangiles, ni les Epîtres. Si Armand Abécassis souligne ainsi ce qui rapproche juifs et chrétiens, peut-être pourrions nous esquisser un discernement de nos spécificités. Je voudrais en citer deux.
Jésus se présente comme « le maître du sabbat ».
Ce n’est pas un simple titre qu’il se donne, c’est un renversement profond dans l’esprit de la religion. Jésus puise au fond des Écritures ce qui est essentiel et le ramène au rang des priorités. Le commandement de l’amour du prochain devient ainsi l’égal du premier commandement qui est l’amour de Dieu. Certes, ce « tu aimeras ton prochain comme toi-même » se trouve bien dans les Écritures, mais on ne le trouve ni dans le Décalogue, ni dans le Deutéronome. II faut un œil bien vigilant pour aller le dénicher au chapitre 19 du Lévitique, juste après la longue série des chapitres sur les interdits et les règles concernant le pur et l’impur. C’est un véritable aggiornamento qui révolutionne l’esprit de la loi. Le temple n’est plus le nécessaire passage pour l’adoration de Dieu, c’est l’esprit qui intervient et non la règle.
Jésus nous fait découvrir Jésus comme un père
Mais l’enseignement le plus profond de Jésus concerne Dieu qu’il nous fait découvrir, non comme quelqu’un que l’on doit craindre, mais comme un père qui nous aime et qui dans nous attend. Ce n’est plus le Dieu qui punit les fautes des enfants et des petits enfants jusqu’à la quatrième génération, ce n’est plus celui qui charge sur les épaules du paralysé ou de l’aveugle, toutes les fautes qu’ils ont commises, ce n’est plus celui qui massacre les ennemis pour les exterminer.
Jésus lui-même le proclame : « Vous avez appris que… et moi je vous dis… ». Jésus devient ainsi lui-même la parole et la seule voie par laquelle chaque homme et chaque femme, juif ou païen, esclave ou homme libre, riche ou pauvre peut trouver le chemin de Dieu : un Dieu qui pardonne et qui donne même aux hommes le pouvoir de pardonner les péchés.
Jamais un homme n’avait parlé comme lui
Nous, chrétiens, nous croyons en Jésus-Christ, parce que jamais un homme n’avait parlé comme lui, jamais un homme ne nous avait annoncé ce qu’il nous a annoncé. Jamais un homme ne s’était penché pour dessiner sur le sable en attendant que quelqu’un jette la première pierre, jamais un homme ne nous avait dit qu’après avoir tout perdu, tout dilapidé, tout épuisé, on pouvait encore retourner vers un père qui nous attend, jamais un homme ne s’était levé de table pour aller laver les pieds de ses amis, jamais un homme ne nous avait dit qu’on pouvait gagner le paradis avec deux petites piécettes, et le perdre avec un milliard de dollars !
Nous, chrétiens, nous croyons que Jésus a confié à son Église la mission de proclamer son Évangile et d’appeler tous les hommes à la conversion du cœur car il est venu pour que le monde soit sauvé. Voilà, me semble-t-il quelques éléments de notre foi. […]
(Courrier des lecteurs, Journal La Croix, 30/6/2008)