
L’histoire de la christianisation est ainsi faite de paradoxes, ce qui révèle sa spécificité et rend difficile de l’évaluer radicalement comme une rupture, selon le discours à la mode, ou, au contraire, comme un accomplissement, selon le discours chrétien.
- Paradoxe d’une religion qui a toujours montré son sens de l’État, tout en affirmant pour la première fois le statut et les droits de la personne.
- Paradoxe d’une religion illégale, puis persécutée, qui acquit une meilleure visibilité dans la répression au lieu de disparaître.
- Paradoxe d’une religion mystique, que l’épreuve du martyre obligea à repenser son anthropologie en donnant une place au corps.
- Paradoxe d’une religion universaliste, mais capable, pour la première fois dans l’Antiquité, de dissocier culture et religion : on peut être chrétien en vivant en Grec comme en vivant en Juif.
- Paradoxe d’une religion unitaire, qui posa la première, le principe de la liberté religieuse.
- Paradoxe, enfin, d’une religion qui procède d’une histoire globale du salut par le Christ, mais qui inscrivait son message dans des questions d’actualité.
Les premiers chrétiens ont donc pensé le processus de christianisation dans deux dimensions du temps et de l’histoire : celui de l’éternité et du Royaume, puisqu’ils attendaient la Parousie, et celui de l’actualité vécue par le monde où ils tenaient leur place.
M. Fr. Baslez, « Comment notre monde est devenu chrétien » p. 206