Le rôle joué par des « militants d’origine chrétienne »
après la guerre
Pour revenir au XX° siècle et à la transformation récente de la société française, je ne pense pas que les protestants y aient joué un rôle aussi déterminant. Au contraire, la modernisation est plutôt le fait de catholiques. La disqualification intellectuelle dont nous parlons est d’autant plus surprenante : elle traduit une méconnaissance de l’intervention dans la vie publique de nombreux acteurs formés par le catholicisme pour qui l’engagement dans le domaine social a constitué le prolongement ou la concrétisation de leurs convictions religieuses.

Ce fut particulièrement vrai pour une génération de catholiques formés dans le sillage de la Résistance par les mouvements de jeunesse et le scoutisme. La modernisation de la société et de l’Etat doit beaucoup à ces grands commis, comme Paul Delouvrier ou François Bloch-Lainé, à des militants syndicaux comme Eugène Descamps, un des fondateurs de la CFDT, aux anciens militants de la JAC ou à une nouvelle génération de patrons, tel un Pierre Lefaucheux à la tête de la Régie Renault.
Au-delà des différences de sensibilités politiques, ces hommes étaient tous habités par un sens profond du bien commun et une volonté de transformer les rapports sociaux. S’il est vrai qu’au XIX° siècle, les catholiques ont trop souvent été un facteur de retardement, en revanche on ne comprendrait rien à la mutation de la société française dans la seconde partie du XX° siècle si l’on faisait abstraction du rôle joué par ces « militants d’origine chrétienne », pour reprendre le titre d’un numéro de la revue Esprit.
« Le Christianisme en accusation » p. 38